Comité de liaison (CLAN-R)

Gaston Maurice Julia

mardi 14 juillet 2020

Gaston Maurice Julia
(Sidi-Bel-Abbès 1893/ Paris 1978)

Parmi les hommes célèbres d’Algérie, Gaston Maurice Julia sera l’un des plus grands mathématiciens français. Issu d’un milieu modeste, il réussit, par son intelligence et un courage hors du commun, à franchir les étapes les plus difficiles pour devenir le plus jeune des académiciens français. Il a appliqué à la lettre l’une de ses citations favorites venant de Kipling :

« Tant qu’un homme n’est pas mort, on peut toujours en faire quelque chose »

La famille Julia, d’origine Pyrénéenne, arrive en Algérie vers 1850. Le père, mécanicien de machines agricoles, travaille à Sidi-Bel-Abbès. C’est dans cette ville que Gaston Maurice va naître le 3 février 1893. Dès l’âge de cinq ans, il commence à être premier dans la classe enfantine de Sœur Théoduline, suivant la devise que sa mère lui avait inculquée : « Toujours premier ». Cette devise fut observée tout au long de ses études.

La famille Julia s’étant installée à Oran en 1901, le jeune garçon entre d’abord chez les Frères des écoles chrétiennes, puis au lycée où il obtient une demie-bourse. Débutant en allemand avec un an de retard sur ses condisciples, il les rattrape en l’espace d’un mois, puis les dépasse et obtient la première place en toutes les matières, y compris la gymnastique, la fabrication des toupies, des cerfs­-volants, que tout enfant pauvre doit faire de ses mains. Il est reçu au baccalauréat avec la mention très bien.

Cette réussite le conduit à Paris en 1910, où il est admis au lycée Janson-de­ Sailly en mathématiques spéciales. Atteint d’une fièvre typhoïde en début d’année scolaire, il entre avec deux mois de retard. Les huit mois restants lui suffiront pour être reçu premier aux concours de Polytechnique et de Normale Supérieure.

L’esprit du jeune normalien n’a jamais encore connu de détente. Son seul souvenir de luxe est cette boîte de compas que le proviseur de Janson-de-Sailly lui permit d’acheter sur les 200 F d’argent de poche que versaient pour lui les anciens du lycée. Ces compas ... et un violon d’enfant, cadeau de sa mère, sur lequel un officier de la Légion lui avait appris les rudiments de la musique. À Normale, la musique hante les « turnes » et les couloirs.

Le mathématicien prodige découvre Bach, Schubert, Schumann, tout en préparant l’agrégation de mathématiques à laquelle il est reçu. Il sera plus tard un excellent violoniste.

Mais la guerre éclate. Mobilisé dès le début, Gaston est affecté au 57e régiment de ligne à Libourne. Pour lui, les hostilités vont être courtes et atroces. Le 25 juillet 1915, au Chemin des Dames, le jeune sous-lieutenant est grièvement blessé en repoussant, avec le plus grand mépris du danger, une attaque ennemie. Atteint d’une balle dans la tête, il perd un œil, son nez est fracassé, ce qui l’obligera à porter un masque de cuir. Pendant deux ans, il devra subir une vingtaine d’opérations. Il souffrira toute sa vie de douleurs faciales. Cette situation dramatique ne va pas l’empêcher de travailler, ni d’avoir une vie normale. En 1918, il épouse une infirmière, Marianne, la fille du compositeur Édouard Chausson. Ils auront six enfants.

L’œuvre originale de ce savant est difficile à analyser pour un profane. Elle est en effet d’une abstraction qui défie le commun des mortels. Malgré ses blessures, il commence dès 1916 une brillante carrière. En novembre 1917, il soutient sa thèse de doctorat en sciences mathématiques : Étude sur les formes binaires non quadratiques à indéterminées réelles ou complexes ou à indéterminées conjuguées. En 1918, le grand prix de mathématiques lui est décerné par l’Institut pour son travail sur L’itération des fractions rationnelles.

À vingt-six ans il est chargé de cours au Collège de France, maître de conférences à Normale Supérieure. Il est également répétiteur d’analyse à Polytechnique, examinateur à Navale. L’année 1925 le voit titulaire de la chaire d’analyse appliquée à la géométrie à la Sorbonne, professeur de calcul différentiel et intégral. En 1937, il est nommé professeur de géométrie et d’algèbre à Polytechnique à la place de Maurice d’Ocagne (1) dans ce poste qu’avait occupé Monge (2). À l’âge de quarante et un an, il est membre de l’Académie des Sciences en remplacement du mathématicien Paul Painlevé (3). Il présidera cette assemblée en 1950, tout comme la Société mathématique de France.

C’est au lycée Janson-de-Sailly qu’il est élevé à la dignité de Grand officier de la Légion d’honneur par Jules Moch, ministre de la Défense Nationale.

Travailleur acharné, Gaston Julia publiera plus de 200 articles ou mémoires. Il écrit plusieurs ouvrages dont certains deviendront des classiques.

Élu à l’Académie d’Uppsala (Suède) et à l’Académie pontificale de Rome, sa réputation avait largement dépassé les frontières.

Parmi ses enfants, deux suivront ses traces : Marc, directeur du département de Chimie à l’École Normale Supérieure, membre de l’Académie des Sciences, et Sylvestre, directeur de recherches au CNRS.

Au fil des ans, les conséquences de ses blessures s’aggravent. Ses souffrances sont de plus en plus fortes au point de devenir un calvaire. Cela ne l’empêche pas de travailler.

Il aimait ses élèves, les suivait avec passion. Très exigeant, il essayait de les façonner avec tout l’amour d’un professeur. Il disait d’eux parfois : « Je ne pense pas les lâcher dans la circulation tant qu’ils ne sont pas au point. »

D’autres opérations douloureuses, en particulier celle de la hanche, vont l’obliger à se déplacer avec des béquilles. En 1971, la disparition de son épouse fut un coup fatal. Il n’eut plus qu’une joie, celle de l’entrée de son fils Marc à l’Académie des Sciences. Ensuite, ce sera la fin du vieux lutteur, du brillant mathématicien le 19 mars 1978.

O.G.
D’après Bernard Giraudet
Selon une documentation communiquée par l’Académie des Sciences

1. Maurice d’Ocagne, mathématicien (1862 - 1938) /
2. Gaspard Monge, mathématicien (1746 - 1768)/
3. Paul Painlevé, mathématicien (1863 - 1933)


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