
Une poseuse de bombes a fait couler en Algérie le sang français : la France l’honore !
Un président de département et le maire d’une ville de banlieue ont jugé que le paillasson France n’était toujours pas assez moelleux pour les petits petons du gouvernement Tebboune. Qu’il fallait en faire plus. Encore plus. Toujours plus.
- Danièle Djamila Amrane-Minne
Samedi, le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis (Stéphane Troussel) et le maire de Bobigny Abdel Sadi ont décidé de baptiser la maison du parc départemental à Bobigny « Danièle Djamila Amrane-Minne ».
Verrait-on Israël rendre hommage à un terroriste du 7 octobre ? La France, elle, honore une porteuse de valises et une poseuse de bombes. Ce sont les médias algériens proches du pouvoir qui parlent le mieux de cette militante franco-algérienne du FLN, fille de communistes français, décédée en 2017 : « Danièle Minne rejoint la lutte armée sous le nom de Djamila. Membre du "réseau bombes" du FLN durant la bataille d’Alger, elle fait partie du groupe de jeunes femmes poseuses de bombes dans les lieux publics d’Alger, en particulier les cafés fréquentés par les colons. »
« Femmes ayant marqué l’Histoire »
Le samedi 26 janvier 1957, elle participe à un triple attentat du FLN dans les brasseries de l’ex-rue Michelet, située dans le quartier européen. Elle pose sa bombe dans le bar Otomatic à Alger, tandis que ses complices déposent d’autres engins explosifs au Coq-Hardi et à La Cafétéria. Le bilan de ces attentats atteint quatre femmes tuées et 37 blessés, dont 21 femmes. Fin 1957, elle est condamnée à sept ans de prison puis libérée en 1962, amnistiée par les accords d’Evian. Elle a d’ailleurs un temps été universitaire en France, quand elle s’y était réfugiée, toute honte bue, pour fuir la guerre entre le FIS et le FLN. Au-delà du nom, il y a le moment : Boualem Sansal croupit toujours dans une geôle algérienne. Il n’a pas bénéficié de cette fameuse grâce du 5 juillet, en laquelle, pourtant, le président Macron croyait dur comme fer, évoquant, dès mars dernier, la « clairvoyance » (sic) de Monsieur Tebboune.
L’intitulé du carton d’invitation est déjà un morceau d’anthologie, l’anthologie de la mauvaise foi et de le la détestation de soi : « Dans le cadre de sa politique volontariste de féminisation de l’espace public, le Département souhaite nommer ses maisons des parcs départementaux des noms de femmes ayant marqué l’Histoire ». Ils ont la délicatesse de ne pas préciser quelle "histoire", et visiblement ce n’est pas l’histoire de France. Le bristol explique encore que la date du 5 juillet a été choisie afin de célébrer l’anniversaire de l’indépendance.
Quelle merveilleuse idée. Il se trouve que les deux fêtes nationales algériennes, la fête de l’indépendance le 5 juillet et la fête de la Révolution le 1er novembre, sont toutes les deux funestes pour la France. Les élus français qui les célèbrent festoient donc sur les dépouilles de concitoyens assassinés. Notons qu’Abdel Sadi, le maire PCF de Bobigny, dithyrambe, décrit sur X une très belle soirée organisée par l’amitié franco-algérienne à la salle Pablo-Neruda. Il se réjouit aussi d’avoir partagé un moment « convivial et festif », à l’invitation du consul d’Algérie en Seine-Saint-Denis, pour la fête de l’indépendance. Aucun mot sur Boualem Sansal, ni sur le journaliste sportif Christophe Gleizes incarcéré lui aussi, il ne faudrait pas gâcher la fête ni froisser les convives.
Toujours sur le carton d’invitation, le département prétend « à travers cette initiative », réaffirmer son engagement en faveur d’une « mémoire collective, inclusive et réparatrice ». Il faudrait demander aux familles des 2.412 disparus figurant sur le mur dédié à Perpignan, sans parler des 80.000 harkis, s’ils jugent cet honneur rendu à leur bourreau « inclusif » et « réparateur ».
Auto-trahison
Que l’Algérie honore les poseurs de bombes n’est pas glorieux mais c’est sa partition. Que la France s’auto-trahisse en lui emboîtant le pas est, en revanche, dramatique. Actuellement, se joue sur notre sol le match retour de la guerre d’Algérie, et la France est un pays CSC, un pays qui, comme au football, marque contre son camp.
Ils voulaient des noms de femmes prétendent-ils ? Si l’on veut rester en Seine-Saint-Denis, les châsses dans la basilique, ne manquent pas.
Et s’il fallait absolument puiser d’autres noms, on pourrait citer le docteur Dorothée Chellier, qui a parcouru l’Algérie pour réduire, sans se lasser, la mortalité périnatale, ou encore Jeanine Monnerot, institutrice des Aurès, donc le mari, Guy, instituteur aussi et véritable Samuel Paty de l’époque, a été justement le premier tué, - alors qu’elle était à ses côtés - de la guerre d’Algérie. Elles ne posaient pas des bombes, mais elles soignaient et éduquaient. Cela, c’était « inclusif » et « réparateur ». Mais elles n’intéressent pas.
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Gabrielle Cluzel |
Directrice de la rédaction de Boulevard Voltaire, éditorialiste |