Editorial d’Avril 2015 du Général (2s) Antoine Martinez
Le second événement constitue un autre refus manifesté contre l’ignorance, voire la négation du véritable drame que notre armée a connu en 1961, dans une période trouble, déchirée entre l’obéissance au pouvoir politique qui caractérise toute force armée en démocratie et l’honneur qui a pu pousser certains à agir contre la loi par fidélité à la parole donnée. Le commandant Hélie Denoix de Saint Marc, qui a illustré à la perfection ce qu’est la grandeur et la servitude du métier des armes, représente tout ce que l’esprit humain, et en particulier celui de l’officier, peut rencontrer d’interrogations, de contraintes et de contradictions lorsqu’il est confronté à des situations douloureuses. Dans ces circonstances, peuvent s’opposer, d’un côté le devoir devenu honteux et qui dégage finalement l’homme de ses responsabilités, et de l’autre la conscience personnelle ou la morale qui le pousse à forcer le destin et le guide peut-être vers sa propre perte, mais par un choix délibéré, par fidélité à l’idée qu’il se fait de l’homme.
Si on devait, en quelques mots, apporter un éclairage sur la personnalité de Hélie Denoix de Saint Marc, on pourrait rappeler ceux du général de Pouilly qui, devant le tribunal déclara courageusement :" Choisissant la discipline, j’ai également choisi de partager avec la Nation française la honte d’un abandon… Et pour ceux qui, n’ayant pas pu supporter cette honte, se sont révoltés contre elle, l’Histoire dira sans doute que leur crime est moins grand que le nôtre" !
On pourrait y ajouter la déclaration du général Dary rappelant, le jour de ses obsèques, la cérémonie au cours de laquelle il fut élevé à la dignité de Grand Croix de la Légion d’Honneur par le Président de la République en novembre 2011 et soulignant que " nul ne saura si l’accolade du chef des armées représentait le pardon du pays à l’un de ses grands soldats ou bien la demande de pardon de la République pour avoir tant exigé de ses soldats à l’époque de l’Algérie ".
Alors à ceux qui l’auraient oublié ou qui l’ignoreraient, il faut rappeler que Hélie Denoix de Saint Marc était entré très jeune dans la Résistance et que cet engagement courageux lui valut d’être arrêté par la Gestapo et déporté à Buchenwald. Après la Libération, il choisit la carrière des armes et il servira en Indochine, en Algérie, à Suez, à nouveau en Algérie. En désaccord avec la politique du général de Gaulle – notamment le choix du FLN comme unique interlocuteur des négociations pour l’indépendance – il entraînera le 1er régiment étranger de parachutistes dans la sédition, en rejoignant les généraux du putsch d’Alger en avril 1961. Il paiera cet acte d’une condamnation de dix ans de réclusion. En 1982 cependant, il sera réhabilité par le Président François Mitterrand et réintégré dans ses droits avec restitution de ses décorations.
Il se consacrera ensuite à l’écriture et les prix littéraires qui le couronneront et les multiples conférences qu’il donnera révéleront en fait un grand humaniste et un héros prêt à entrer en résistance et à mourir pour des valeurs qui le guidaient.
Mais au fait, quel jugement ses détracteurs qui veulent occulter ces pages de notre Histoire portent-ils sur un autre soldat qui, comme lui, est entré en résistance et a désobéi en 1940 en lançant son appel du 18 juin ? Était-ce également rance ? Par ailleurs, il ne s’agissait pas non plus à Béziers, comme certains l’ont prétendu, de nostalgie de l’Algérie française, mais simplement d’un devoir de mémoire réaffirmé à l’égard de tous ceux qui ont disparu dans des conditions tragiques et, s’agissant de Hélie Denoix de Saint Marc, de la célébration d’un héros. D’ailleurs, le peuple a besoin de célébrer ses héros car, comme le disait Aristote, la cité est constituée d’un groupe d’animaux politiques réunis par un choix de vie commune, cette dernière étant assurée et consolidée par la référence à un passé mythique, à des héros communs, à des rites et des lois intégrées et partagées.
C’est cela qu’ont voulu réaffirmer les milliers de citoyens présents le 14 mars à Béziers et que nos responsables politiques ont oublié ou veulent oublier.
Quant aux cent ou deux cents braillards qui, à distance, agitaient des drapeaux communistes et algériens et tentaient sans succès de perturber la cérémonie, en hurlant leur désapprobation et leur haine de la France, ce sont les mêmes qui, pendant la Seconde Guerre, ne sont entrés en résistance qu’après la rupture du pacte germano-soviétique.
Ce sont les mêmes qui pendant que nos soldats étaient engagés en Indochine se sont livrés à des sabotages de matériels et munitions envoyés sur le théâtre d’opérations. Ce sont les mêmes qui, pendant la guerre d’Algérie ont été les porteurs de valise du FLN. Ce sont les mêmes qui, au moment de l’exode des Pieds-Noirs ont pillé ou mis à l’eau les cadres déchargés dans les ports d’arrivée. Honte à eux !
En fait, leur seule patrie c’est la trahison hier et le mensonge aujourd’hui.
Et on pourrait en dire autant de tous ceux qui veulent réécrire notre Histoire en gommant certaines pages qui ne leur conviennent pas.
Général (2s) Antoine MARTINEZ
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